Françoise Tomeno

Françoise Tomeno

16 novembre 2012

Au matin


Françoise Tomeno
16 novembre 2012

Elle avait jeté autour de son cou sa grosse écharpe de brouillard. On apercevait juste un petit bout de sa peau, près de la rive, ridules où les beaux saules de Loire pouvaient venir pleurer leur reflet. Elle cachait sous la mousse laineuse de l’écharpe quelques traces couleur du temps qui passe, du temps passé.

Elle passait.

On aurait pu la croire lointaine, indifférente. Elle était simplement  sur son « quant à soi » de l’hiver, un peu fière peut-être.
J’aime cette expression « quant à soi ». Elle sonne comme une phrase inachevée. « Quant à moi, je….». « Quant à soi… », mais quel serait le sujet de la phrase ?

Je ne me suis pas aperçue tout de suite que j’avais ralenti le pas. Tout est venu en même temps, avec une grande acuité. L’atmosphère feutrée, la vision moins sollicitée, le regard libre de flâner, sans effort à faire pour distinguer. Elle offrait tout, le tout était parcimonieux.

Une ligne au lointain. Ligne d’oiseaux. On ne distinguait pas ce sur quoi ils s'étaient posés. Banc de sable? Rive opposée? Une des îles portées par le fleuve? Ombres au plus lointain, sans doute celle des arbres, et derrière eux la ville. Ombres des ponts qui enjambent la belle dame. Reflet estompé du soleil. 

Soudain un banc entier d'oiseaux se lance dans un ballet, le spectacle dure longtemps.

Et puis les hérons. J’avais appris les jours précédents leur silhouette. Je n’avais eu la chance de voir que les hérons cendrés. Aujourd’hui, cadeau. Le héron blanc était posé non loin d’eux. Je me suis arrêtée plusieurs fois, plusieurs fois longuement. Soudain, il a déployé avec une incroyable élégance ses très grandes ailes. On attendait un vol long, majestueux, qui irait se perdre au lointain. J’ai ri. Il a juste été se poser sur le gros caillou d’à côté, et retour au caillou du départ dans la minute qui a suivi. Au retour, ils étaient tous là, dans une grande tranquillité.

Le brouillard s'est levé au moment où je rejoignais la route. Brusquerie des bruits, du retour à la réalité, presque trop de soleil. L'impression de sortir d'un rêve. L'envie d'y retourner, à la première occasion.