« La Part des Anges » est la partie du volume d'un alcool qui s'évapore pendant son vieillissement en fût. Tout comme l’alcool, nos souvenirs comportent cette part volatile, une part incontournable. Mais une autre part peut aussi s’envoler faute d’avoir été remarquée, et racontée. C’est de cette Part des Anges là qu’il s’agira ici, ce que j’ai appelé ailleurs, à la suite de Georges Didi-Huberman, des Lucioles.
Françoise Tomeno
26 décembre 2012
Pensée du jour
Moïse Maïmonide disait qu'à chaque brin d'herbe correspondait une étoile dans le ciel.
Moïse MaïmonideMédecin et philosophe
XIIème siècle
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Françoise Tomeno
12 décembre 2012
Madame la Loire à Chaumont
Lorsqu'on arrive là, c'est chaque fois la même surprise, le même ravissement. Large, offerte, elle présente son enfant métissé aux quatre couleurs: l'eau, le sable, la végétation, le ciel. Réunissant le tout, donnant au tout son unité, sa si belle lumière. Elle n'est jamais si belle pour moi que là. Généreuse, joyeusement paisible, paisiblement joyeuse, elle semble paresser, s'abandonner.
Lorsque la nuit est dense, épaisse, et que l'on peine à la distinguer tout au long de la route, la surprise est encore au rendez-vous, à ce même endroit. Elle brille, étale sa lumière. Elle est le contre-point de la lumière du jour. Sa couleur sombre et cependant brillante contient toutes les couleurs à venir, toutes les couleurs qui se révéleront juste un peu plus tard.
Madame la Loire.
Françoise Tomeno
12 décembre 2012
Françoise Tomeno
12 décembre 2012
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Françoise Tomeno
Conversation
"Bonjour", dit elle.
"Bonjour", dit la Loire,
"Je vous ai vue, cette nuit, mais vous ne pouviez pas me voir", dit elle.
"Que voulez-vous dire?" dit la Loire?
Elle ne répond pas à la question.
"Je remontais votre courant sur la rive gauche..."
"Vous n'aviez pas peur, toute seule dans la nuit?
"Ca va, je connais la route, j'ai l'habitude", dit elle.
..........................................................
"Il n'y avait pas de brouillard, pourtant. Je ne pouvais pas vous voir parce que la nuit était profonde?", dit la Loire.
"Oui", dit elle, "elle était très profonde, toute noire, et pourtant le ciel était tout étoilé; c'était très étrange", dit elle.
............................................................
"Cela faisait comme si vous vous reflétiez dans le ciel. Un reflet à l'envers, en quelque sorte", dit elle.
"Un peu comme le négatif d'une photo?", dit la Loire?
"Un peu, oui", dit elle.
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Françoise Tomeno
10 décembre 2012
"Bonjour", dit elle
"Bonjour", dit elle.
"Ah.... Vous êtes là?", dit la Loire
"Oui. Vous ne m'avez pas entendue arriver?", dit elle.
"Non", dit la Loire, "vous êtes là un peu plus tôt que d'habitude, un tout petit peu plus tôt cette fois-ci. Et puis... je rêvais".
"Ah, vous aussi?", dit elle.
"Oui, j'aime bien", dit la Loire.
"Moi aussi", dit elle.
..................................................
"Vous voulez savoir pourquoi je suis venue plus tôt?" dit elle.
"Si vous voulez", dit la Loire
"Lorsque je suis arrivée, le soleil était tout juste levé. La lumière était si belle que j'ai voulu venir voir ça tout de suite, et je ne suis pas allée au bistrot", dit elle.
"Eh bien!", dit la Loire,"c'est un événement, dites-moi...."
"Oui... Enfin, j'irai quand-même après....", dit elle.
"Ah, vous me rassurez", dit la Loire.
C'est ainsi que la journée d'elle commença ce matin là.
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Françoise Tomeno
09 décembre 2012
"Bonjour", dit la Loire
"Bonjour", dit la Loire.
"Bonjour", dit elle
Elle marche tranquillement, en silence.
"Vous avez choisi de prendre la promenade par l'autre bout?", dit la Loire.
"Oui", dit elle.
"Et vous êtes là bien plus tôt que d'habitude", dit la Loire.
"Oui..."
"Pourquoi?", dit la Loire.
"..................................... Je ne sais pas", dit elle, "ça s'est imposé comme ça, il fallait que je vienne vous voir, que je vienne parler avec vous".
"Ca n'explique pas pourquoi vous descendez le courant alors que d'habitude vous commencez votre ballade en le remontant, ni pourquoi vous êtes venue plus tôt", dit la Loire.
Elle, réfléchissant: "Je ne sais pas. Plus tôt, c'est sans doute parce que j'espérais que vous auriez encore vos falbalas et vos fanfreluches de brume. C'est tellement beau! J'aime bien aussi cette partie de la promenade, avec ses petits jardins désuets, un peu kitch. Et puis je crois que d'aller dans le sens du courant, c'est aller vers la vie, vers l'estuaire et l'ouverture de l'horizon"
"Ah bon", dit la Loire.
"Mais je suis arrivée trop tard", dit elle. "Vous aviez déjà enlevé vos falbalas. Vous faites ça toujours à la même heure?"
"Oh non", répond la Loire en riant, "J'aime surprendre!..."
"Je n'aurais peut-être pas du prendre le temps d'aller boire un café", dit elle dépitée...
"C'est vous qui savez", répond la Loire, se moquant.
..............................................
"Ca sent le poireau ici", dit elle.
"Vous trouvez?", dit la Loire, "moi, je ne sens rien. Peut-être parce qu'ils cultivent du poireau, dans ce jardin?".
"Non, c'est tout en friche", dit elle
"Peut-être y a-t-il des poireaux sauvages?
Elles rient
.......................................
"Vous vouliez me dire quelque chose de spécial?", dit la Loire.
"Non, comme ça, peut-être même vous parler en silence".
"Ah oui, je vois, c'est bien aussi", dit la Loire.
..............................................
"Vous êtes toujours belle", dit elle.
La Loire se tait.
.........................................
"Même lorsqu'il y a du brouillard?", dit la Loire?
"Oui, même lorsqu'il y a du brouillard. Ces jours-là, vous êtes très belle. Tout est sobre et on ne voit que l'essentiel".
..........................................
"Une fois, je ne vous ai pas trouvée belle", dit elle.
La Loire, un peu piquée au vif: "Ah bon? C'était quand?"
"Une année de canicule. Vous n'aviez quasiment plus d'eau, et vous sentiez mauvais", dit elle.
"C'est à cause des hommes, ils font n'importe quoi avec le monde", dit la Loire.
................................................
"Vous êtes encore plus grosse que la dernière fois", dit elle.
"Oui", dit la Loire, "ça m'arrive".
"On dirait même que vous allez déborder", dit elle.
"Ca m'arrive aussi", dit la Loire.
"C'est à cause des hommes qui font n'importe quoi avec le monde?", dit elle?
"Je faisais déjà ça avant, mais aujourd'hui les hommes ont tout bousculé, et c'est pire", dit la Loire.
........................................................
Elle rebrousse chemin.
"Vous rentrez déjà?", dit la Loire?
"Non, je reprends ma voiture, et je vais faire l'autre trajet, comme d'habitude, dans l'autre sens, remonter le courant, en partant du pont, et ensuite le redescendre".
"Ah bon? Pourquoi?", dit la Loire?
"Je ne sais pas bien, j'ai eu idée de ça ce matin, descendre et remonter d'abord, puis remonter et descendre après. Peut-être pour tester la vie? ", dit elle.
..............................................
"Vous permettez que je prenne une photo de vous?", dit elle?
"Hum", dit la Loire en s'amusant, "vous en prenez plein sans me demander mon autorisation, je crois....".
"Oui, mais là, ce n'est pas pareil. Je voudrais prendre une photo de vous où l'on verrait vos lèvres comme si elles étaient fermées, tout là-bas à l'horizon, alors que l'on sait qu'elles restent ouvertes. Ouvertes vers la source, vers l'espace où ça surgit, où quelque chose peut advenir", dit elle.
"Pourquoi ça n'est pas pareil?", dit la Loire?
"Parce que c'est un peu de votre intimité, je trouve", dit elle.
.............................................
"Qu'est ce que vous cherchez, quand vous prenez des photos?", dit la Loire.
"J'essaie d'attraper la lumière. Un ami que j'ai croisé tout à l'heure m'a dit: "Tu fais des photos par ce temps-là?". Je ne savais pas comment lui expliquer que, justement, par ce temps-là, comme il dit, il y a une lumière très spéciale, comme filtrée, et très belle, une lumière adoucie, qui n'éblouit pas".
Un peu plus tard:
"Ah, vous revoilà", dit la Loire. "Vous avez mis un peu de temps".
Elle, gênée: ".. J'ai été boire un autre café..."
Elle chemine en silence
"Regardez", dit elle, "ce sont deux dames que je viens de croiser tout à l'heure, lorsque j'étais en train de revenir de la première partie de ma ballade. Elles ont l'air surprises. Je les ai bien attrapées, elles doivent se demander comment j'ai fait pour réapparaître à nouveau en face d'elles... Ca va peut-être un peu les troubler, vous ne pensez pas? C'est comme si j'avais été télétransportée....".
Elles rient.
Elle poursuit sa ballade, entre silence et murmure à son amie la Loire. Puis elle rebrousse chemin.
Elle s'assied sur un des bancs qui sont sur le parcours.
"Vous vous asseyez un moment?", dit la Loire? "Vous allez lire?"
"Oui, c'est agréable de lire ici, et je me suis bien couverte".
Au bout d'un moment, elle se lève.
"Ca y est, vous y allez?", dit la Loire?
"Oui".
"Alors on va s'en tenir là pour aujourd'hui?, dit la Loire, parlant comme une psychanalyste...
Elle, surprise par cette formule qu'elle connaît bien, mais à laquelle elle ne s'attendait pas de la part de la Loire: "Euh oui.. Je vous dois combien?"
La Loire, éclatant de rire: "Rien du tout!.. C'était une discussion entre filles, non?"
Elle, un peu troublée, s'en va, elle en rêvasse encore.
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Françoise Tomeno
07 décembre 2012
Parce que Zhu Xiao Mei
Parce que ses yeux ont l'art du silence
parce que ses mains ont l'art du recueillement
parce que sa musique est un silence pour l'âme
parce que sa musique est un silence pour l'âme
J'ai choisi une version présentant l'intégrale des Variations Goldberg, jouées par Zhu Xiao Mei, parce que les versions courtes coupent une variation en plein milieu, ce qui est insupportable à mon oreille. Mais écoutez le début, le recueillement est là.
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Françoise Tomeno
06 décembre 2012
Françoise Tomeno
6 décembre 2012
La Loire est grosse, jaune, presque grise parfois. L'automne avance à la rencontre de l'hiver. Les rives se dépeuplent de leur végétation, les arbres perdent chaque jour un peu plus leurs feuilles, les beaux jaunes d'or pâlissent. Le mot qui me vient à l'esprit est celui de dénuement. Le regard s'accroche à ce qui se présente: une petite branche qui se tend vers l'eau, un tronc qui barre le fleuve, des touffes d'herbe, modestes, discrètes, parfois pleines de soleil, parfois revêtues de leurs vêtements de semaine, moins flamboyants. Un reflet dans l'eau, toujours émouvant parce qu'il restitue de la profondeur à ce qu'il reflète.
Dénuement, comme parfois dans la vie. Une phrase de Geoges Didi Hubermann s'impose: "Nous sommes « pauvres en expérience » ? Faisons de cette pauvreté même – de cette demi-obscurité – une expérience ». En cette saison, les rives de la Loire se dénudent, "s'appauvrissent", mais sont riches de leur pauvreté.
La Loire m'offre un territoire pour cette pensée. Aller à la rencontre de la plus petite herbe, de la plus petite lumière. Prendre le temps de s'y attarder.
Être touchée par le brouillard, qui, telle la neige, donne un fond sur lequel se détache la moindre lumière, le moindre reflet, la moindre silhouette d'oiseau, le moindre mouvement.
J'aime la Loire en toute saison. C'est mon amie.
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Françoise Tomeno
04 décembre 2012
Automne
CELUI QUI DEMEURE DANS LA MONTAGNE
Dans la montagne déserte après la pluie nouvelle
L'air du soir apporte l'automne,
La lune claire brille entre les pins,
La source limpide coule sur la pierre,
Les bambous résonnent du cri des lavandières s'en retournant,
Les lotus remuent quand passe la barque du pêcheur,
Alors les parfums du printemps s'assoupissent
Que l'enfant souverain sait conserver en lui-même.
Poème de Wang Wei
Traduction de Jean-François Rollin
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Françoise Tomeno
22 novembre 2012
Fermez les yeux, écoutez
Il est des musiques qui nous tiennent lieu de luciole. Celle-ci sera la mienne, ces jours.
Fermez les yeux, écoutez.
Sonate Arpeggione Schubert Tharaud Queyras
Fermez les yeux, écoutez.
Sonate Arpeggione Schubert Tharaud Queyras
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Françoise Tomeno
19 novembre 2012
Météo locale, 9h, puis 10h.
9 heures: pas croisé le brouillard. S'était sans doute levé peu avant mon arrivée. Parti sans laisser de message.
Zone des reflets: temps dégagé, luminosité sans plus, juste ce qu'il faut pour que ce soit agréable.
10 heures: croisé Léon, qui se dirigeait vers le bistrot, pour boire son rosé. Pas de brouillard de ce côté-là non plus. Temps dégagé et clair.
Prévision de petits bLancs de brouillard dans l'après-midi.
Risque de nappes épaisses dans la soirée et la nuit.
Prochain bulletin à l'occasion. En attendant, je vous souhaite un bon après-midi.
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Françoise Tomeno
16 novembre 2012
Au matin
Françoise Tomeno
16 novembre 2012
Elle avait jeté autour de son cou
sa grosse écharpe de brouillard. On apercevait juste un petit bout de sa peau, près de la rive, ridules où les beaux saules de Loire pouvaient venir pleurer
leur reflet. Elle cachait sous la mousse laineuse de l’écharpe quelques traces
couleur du temps qui passe, du temps passé.
Elle passait.
On aurait pu la croire lointaine,
indifférente. Elle était simplement sur son « quant à soi » de
l’hiver, un peu fière peut-être.
J’aime cette expression
« quant à soi ». Elle sonne comme une phrase inachevée. « Quant
à moi, je….». « Quant à soi… », mais quel serait le sujet de la phrase ?
Je ne me suis pas aperçue tout de
suite que j’avais ralenti le pas. Tout est venu en même temps, avec une grande
acuité. L’atmosphère feutrée, la vision moins sollicitée, le regard libre de
flâner, sans effort à faire pour distinguer. Elle offrait tout, le tout était
parcimonieux.
Une ligne au lointain. Ligne
d’oiseaux. On ne distinguait pas ce sur quoi ils s'étaient
posés. Banc de sable? Rive opposée? Une des îles portées par
le fleuve? Ombres au plus lointain, sans doute celle des arbres, et derrière eux la ville. Ombres des ponts qui enjambent la belle dame.
Reflet estompé du soleil.
Soudain un banc entier d'oiseaux se lance dans un ballet, le spectacle dure longtemps.
Et puis les hérons. J’avais
appris les jours précédents leur silhouette. Je n’avais eu la chance de voir
que les hérons cendrés. Aujourd’hui, cadeau. Le héron blanc était posé non loin
d’eux. Je me suis arrêtée plusieurs fois, plusieurs fois longuement. Soudain,
il a déployé avec une incroyable élégance ses très grandes ailes. On attendait
un vol long, majestueux, qui irait se perdre au lointain. J’ai ri. Il a juste
été se poser sur le gros caillou d’à côté, et retour au caillou du départ dans
la minute qui a suivi. Au retour, ils étaient tous là, dans une grande tranquillité.
Le brouillard s'est levé au moment où je rejoignais la route. Brusquerie des bruits, du retour à la réalité, presque trop de soleil. L'impression de sortir d'un rêve. L'envie d'y retourner, à la première occasion.
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Françoise Tomeno
13 novembre 2012
12 novembre 2012
11 novembre 2012
Lu hier
Lu hier le livre de Brigitte Fontaine, "portrait de l'artiste en déshabillé de soie". J'ai aimé, j'ai beaucoup aimé.
Quand vous aurez une heure devant vous.....
Quand vous aurez une heure devant vous.....
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Françoise Tomeno
10 novembre 2012
Il faut essorer la lumière
Il est de bon ton, parfois, d'essorer la lumière, comme on essore son linge.
Quand vous essorez votre linge, lorsque l'opération est terminée, il y a toujours du linge, il n'a pas disparu. Lorsque vous essorez la lumière, il reste des lueurs, douces, qui n'éblouissent pas, lucioles.
Pendant l'essorage
Après essorage
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Françoise Tomeno
Le flou et le tailleur
En couture, on apprend "le flou et le tailleur". Deux techniques différentes. La technique du tailleur permet de réaliser des modèles à la coupe droite, près du corps, un peu stricts. Celle du flou permet de réaliser des vêtements souples, vaporeux, qui "tombent", comme on dit dans le métier, ou "qui ont un beau tombé".
Les tissus du flou sont légers, souples: soie, mousseline, mousseline de soie, mousseline de coton ou organdi, crêpe, crêpe de soie, crêpe de Chine, taffetas, taffetas de soie, voile...
La vie nous habille plutôt en flou, même si, parfois, on peut avoir l'illusion qu'elle nous a fait une belle coupe tailleur, aux points de repères bien clairs.
Le tissu de la vie est le voile, qui bouge tout le temps, qui montre et qui cache, comme nos vies sont faites de ce qui apparaît de nous et de ce qui demeure caché, nos parties secrètes, mais aussi l'inatteignable de chacun de nous.
Françoise Tomeno
10 novembre 2012
Françoise Tomeno
10 novembre 2012
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Françoise Tomeno
04 novembre 2012
Le héron cendré
Il est un endroit du bord du fleuve où j'aime m'attarder. La vue y est dégagée, l'horizon y fait se rejoindre les deux lèvres du cours d'eau. Le regard s'aventure au delà, vers la source, dans l'ouverture supposée, à l'aveugle en quelque sorte. J'ai chaque fois que je passe par là le sentiment d'être invitée, ne serait-ce que pour un bref instant, à la contemplation.
C'était un de ces matins-là. Je goûtais le silence de ce que je voyais.
J'ai été sortie de ma rêverie par un grand bruit d'ailes: c'était le héron cendré, qui venait de chiper, sous mes yeux, un de ses poissons à la rivière, et qui partait le déguster plus loin.
Françoise Tomeno
4 novembre 2012
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Françoise Tomeno
31 octobre 2012
Madame la Loire
Elle avait encore sur ses épaules, ce matin-là, ses chichis ses flaflas, ses fanfreluches, ses falbalas. Ses petites flammèches de brume, si caractéristiques de ses nuits d'automnes, qui flottent au dessus d'elle, mousseline de soie.
Elle sortait tout juste de la nuit, elle avait fait la nuit.
Elle coulait avec nonchalance, tranquille, entrant tout doucement dans sa demeure du jour.
À peine quelques heures plus tard, il n'y paraîtrait plus rien. Resplendissante, pleine, elle aurait abandonné les traces de la nuit, offrant aux regards égarés par là sa douceur insolente.
Françoise Tomeno
31 octobre 2012
31 octobre 2012
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Françoise Tomeno
24 octobre 2012
Montparnasse, 6h45
Sans bien m'en rendre compte, je me dirige quasi machinalement vers le son. Gare Montparnasse, au petit matin. Un son de piano.
Je l'avais vu à la fin de l'été, le piano. Je pensais que c'était un rescapé de la sympathique initiative de la Ville de Paris, qui avait mis, du 22 juin au 9 juillet, 40 pianos à disposition dans la ville, dont certains dans des parcs et jardins.
Celui-ci semble avoir élu domicile dans la hall de la gare. Et de si bonne heure, un jeune homme joue. Il joue avec talent. Je m'approche, je m'installe, je veux dire: je me campe bien sur mes deux jambes, j'écoute, je regarde. Une toute jeune femme, accompagnée par une grosse valise, s'arrête, son visage s'épanouit. Des hommes arrivent, sacoche de travail à la main. L'un deux succédera au jeune homme. Un petit homme un peu tassé, un vieux sac en plastique un peu usé à la main, rejoint notre petite troupe d'écoutants, écoutant comme des enfants émerveillés de la surprise.
Matin d'automne, luciole, de quoi éclairer la journée.
Françoise Tomeno
24 octobre 2012
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Françoise Tomeno
Sami, for ever....
Françoise Tomeno
24 octobre 2012
Il est là, face à nous, entre ombre et lumière. Il est vêtu d'un grand par dessus noir, les mains recouvertes de gants, noirs également, tout comme le sont aussi le sol et le fond de scène. Seul son visage est éclairé, d'une lumière blafarde. Elle s'arrondira en lumière plus douce peu après.
24 octobre 2012
Il est là, face à nous, entre ombre et lumière. Il est vêtu d'un grand par dessus noir, les mains recouvertes de gants, noirs également, tout comme le sont aussi le sol et le fond de scène. Seul son visage est éclairé, d'une lumière blafarde. Elle s'arrondira en lumière plus douce peu après.
Devant lui, un petit écran d'ordinateur, sur lequel il lit un très beau texte de Samuel Beckett, "Cap au Pire". On dirait que c'est l'écran qui lui éclaire le visage.
Le texte est un texte aride, où la langue hésite, se casse, renonce, dit sans dire, évoque, brise, soupire, se désarticule, bondit, rebondit, soupire encore, respire.
Il habite ce texte avec humanité, lui donnant relief et corps. Les fins de phrase se dissolvent dans la pénombre. La douceur le dispute parfois à la violence, elle-même retenue, parfois, aussi.
Il est là face à nous, avec son incomparable présence et cette voix qu'un âge qui commence à avancer dans la vie n'a pas altérée.
Il est l'un de ces grands et rares acteurs qui savent incarner pleinement un personnage, habiter un rôle, tout en y maintenant leur âme, qui se donne à voir là en toute dignité. Laurent Terzieff était de ceux-là également.
Merci, Monsieur Sami Frey.
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Françoise Tomeno
22 octobre 2012
La Grande Cocotte libérée!......
La grande Cocotte, première a avoir été libérée par le MLPL (Mouvement de Libération des Poules de Luxe, voir message ci-dessous), a choisi d'aller fêter ça au Café Comptoir. Elle a fini la soirée affalée sur l'étagère des enfants (quel exemple!). Le photographe était de la fête, un certain flou régnait sur la soirée.
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Françoise Tomeno
MLPL
Le MLPL, Mouvement de Libération des Poules de Luxe, en appelle à votre conscience solidaire:
EXIGEONS LA LIBÉRATION
IMMÉDIATE ET INCONDITIONNELLE
DES POULES DE LUXE.
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Françoise Tomeno
18 octobre 2012
Dans l'entre-deux
Françoise Tomeno
16 juillet 2012
Lorsque l'on offre un cadeau à quelqu'un, il peut se trouver qu'on mette ce quelqu'un dans l'embarras. Le cadeau peut ne pas lui plaire du tout; ou bien être encombrant, pas le choix de réfléchir si le cadeau est recevable. Il peut mettre en dette celui qui le reçoit. Il peut précipiter un lien qui était tout juste en train de se faire. Il peut surprendre. Il peut flatter, et cependant gêner.
Je ne parle pas là des cadeaux "convenus" (au demeurant bien agréables), le bouquet ou le livre lorsque l'on est invité à dîner.
L'offrande, elle, ne s'offre pas. On la dépose là, la divinité passera la prendre, ou pas. À certains moments de la vie, il faudrait avoir le courage de ne pas s'imposer avec son cadeau. Prendre le risque de l'offrande. Le risque que personne ne la remarque, ne la prenne. Une offrande nécessite, contrairement au cadeau, du travail de la part de celui qui décide de l'accueillir. Peut-être va-t-il, passant sur le chemin, ne pas la remarquer. Peut-être va-t-il la remarquer et passer son chemin. Peut-être va-t-il la remarquer, la distinguer (ce n'est pas pareil), décider de perdre un peu de son temps et l'examiner. Peut-être alors va-t-il décider de l'accueillir, de la "prendre à bras le corps" (j'aime beaucoup cette expression).
18 octobre 2012
Dans les semaines qui ont suivi ce premier texte, je me disais qu'il faudrait également parler du don.
Deux mois plus tard, un très cher ami, Thierry, avec qui j'ai partagé tant de bons moments dans nos temps de travail commun à la Clinique de Laborde, m'a invitée, sans même savoir que j'avais écrit quelques bricoles à ce sujet, à rejoindre un groupe qui réfléchissait précisément à cette notion de cadeau. C'était... cadeau!
Dans l'attente de la date à laquelle aurait lieu ce groupe, j'ai pensé qu'il faudrait y ajouter, également, l'emprunt, l'échange, mais aussi cette drôle de chose qui fait qu'un jour, on se découvre un geste, une posture, qui nous viennent d'une ou d'un autre. De même, on peut découvrir que l'on a osé s'aventurer sur un territoire que l'on n'avait jamais abordé jusqu'alors, où l'on reconnaît, là aussi, l'empreinte d'une rencontre.
J'ai donc, un beau jour d'octobre, rallié ce groupe, aussi bigarré que chaleureux. La discussion a lieu autour d'une table bien garnie de ce que chacune et chacun a apporté, nous sommes déjà dans le thème. Jean-François nous gratifie d'une paëlla à sa façon, dont le souvenir va nous rester longtemps.
Nous prenons un peu de temps pour aborder ce qu'il en est du don. Ce serait, selon nous, le fait d'adresser à quelqu'un, qui compte pour nous, un objet qui nous appartient et que nous aimons beaucoup. Il s'agirait donc de "se départir" de quelque chose à quoi l'on tenait, pour l'offrir à quelqu'un à qui l'on tient... Cela n'engage pas de dette comme dans la situation du cadeau.
Un don particulier serait celui de la parole. Là, pas d'objet tangible. Avant d'apparaître, la parole articulée n'existe pas, sitôt apparue, donnée, elle disparaît (et c'est là qu'elle se distingue de l'écriture). On donnerait donc, en donnant de la parole, quelque chose que l'on n'a pas, que l'on invente sur le champ pour quelqu'un. Éphémère, la parole peut cependant laisser des traces, une empreinte.
L'emprunt: c'est quelque chose que l'autre ne vous donne pas, mais qu'il accepte de vous prêter. Si vous connaissez le "prêteur", vous vous engagez à lui rendre l'objet emprunté. Si ce que vous empruntez est du domaine public, extraits d'un livre, d'un texte, ou image, vous vous engagez moralement à citer vos sources. Ainsi, dans la page d'accueil qui préside à ce blog, j'ai emprunté, avec plaisir, la notion de "lucioles" à Georges Didi Hübermann, telle qu'il l'évoque dans son livre "La survivance des lucioles". Un emprunt qui signale une empreinte.
L'échange? C'est cadeau contre cadeau, don contre don, emprunt contre emprunt, etc...? Il faudrait y réfléchir un peu plus....
Enfin, cette drôle de chose, décrite ci-dessus, où l'on découvre en nous l'empreinte laissée par une rencontre, à l'insu des "acteurs"... Les psychanalystes pourraient relier cela à la question des identifications, mais on pourrait gagner en poésie en lui donnant un autre nom. Reste à en trouver un. Il s'agirait d'une trace, d'une marque qu'imprime, qu'a imprimé une rencontre. "Imprimé", au sens quasi typographique du terme. Celle, celui qui a laissé sa marque, ne l'a pas décidé, celle, celui qui s'est trouvé "marqué", "impressionné"(on est toujours dans la typographie, voire la photographie, et là il faudrait aller chercher du côté du révélateur, qui a révélé quelque chose qui sommeillait en nous), celui-là donc, ne s'aperçoit qu'il a été "marqué" qu'après coup. Il s'agit donc bien d'une découverte, et il n'y a pas de dette.
Si la rencontre en question se conjugue au passé, d'aucuns pourraient dire: "C'est ce qu'il en reste". Le mot est mal choisi; il ne s'agit pas d'un reste, mais de quelque chose qui demeure, y compris "en l'absence". Traces, tels le geste ou la posture, ou principe actif qui nous permet d'habiter des territoires jusqu'alors inexplorés. "Demeure", "la demeure". Contenant qui dessine un espace en creux, une case vide, demeure dans laquelle vient s'inscrire quelque chose de l'ordre, là aussi, de l'empreinte.
En fait, cadeau, offrande, don, emprunt, empreinte, tout cela se situe, se déroule dans un "entre-deux", un écart. Seul cet écart permet le lien, tout en protégeant l'inatteignable qui gît en chacun de nous. Et c'est parce qu'il y a écart qu'il peut y avoir cadeau, offrande, don, emprunt, empreinte.
18 octobre 2012
Dans les semaines qui ont suivi ce premier texte, je me disais qu'il faudrait également parler du don.
Deux mois plus tard, un très cher ami, Thierry, avec qui j'ai partagé tant de bons moments dans nos temps de travail commun à la Clinique de Laborde, m'a invitée, sans même savoir que j'avais écrit quelques bricoles à ce sujet, à rejoindre un groupe qui réfléchissait précisément à cette notion de cadeau. C'était... cadeau!
Dans l'attente de la date à laquelle aurait lieu ce groupe, j'ai pensé qu'il faudrait y ajouter, également, l'emprunt, l'échange, mais aussi cette drôle de chose qui fait qu'un jour, on se découvre un geste, une posture, qui nous viennent d'une ou d'un autre. De même, on peut découvrir que l'on a osé s'aventurer sur un territoire que l'on n'avait jamais abordé jusqu'alors, où l'on reconnaît, là aussi, l'empreinte d'une rencontre.
J'ai donc, un beau jour d'octobre, rallié ce groupe, aussi bigarré que chaleureux. La discussion a lieu autour d'une table bien garnie de ce que chacune et chacun a apporté, nous sommes déjà dans le thème. Jean-François nous gratifie d'une paëlla à sa façon, dont le souvenir va nous rester longtemps.
Nous prenons un peu de temps pour aborder ce qu'il en est du don. Ce serait, selon nous, le fait d'adresser à quelqu'un, qui compte pour nous, un objet qui nous appartient et que nous aimons beaucoup. Il s'agirait donc de "se départir" de quelque chose à quoi l'on tenait, pour l'offrir à quelqu'un à qui l'on tient... Cela n'engage pas de dette comme dans la situation du cadeau.
Un don particulier serait celui de la parole. Là, pas d'objet tangible. Avant d'apparaître, la parole articulée n'existe pas, sitôt apparue, donnée, elle disparaît (et c'est là qu'elle se distingue de l'écriture). On donnerait donc, en donnant de la parole, quelque chose que l'on n'a pas, que l'on invente sur le champ pour quelqu'un. Éphémère, la parole peut cependant laisser des traces, une empreinte.
L'emprunt: c'est quelque chose que l'autre ne vous donne pas, mais qu'il accepte de vous prêter. Si vous connaissez le "prêteur", vous vous engagez à lui rendre l'objet emprunté. Si ce que vous empruntez est du domaine public, extraits d'un livre, d'un texte, ou image, vous vous engagez moralement à citer vos sources. Ainsi, dans la page d'accueil qui préside à ce blog, j'ai emprunté, avec plaisir, la notion de "lucioles" à Georges Didi Hübermann, telle qu'il l'évoque dans son livre "La survivance des lucioles". Un emprunt qui signale une empreinte.
L'échange? C'est cadeau contre cadeau, don contre don, emprunt contre emprunt, etc...? Il faudrait y réfléchir un peu plus....
Enfin, cette drôle de chose, décrite ci-dessus, où l'on découvre en nous l'empreinte laissée par une rencontre, à l'insu des "acteurs"... Les psychanalystes pourraient relier cela à la question des identifications, mais on pourrait gagner en poésie en lui donnant un autre nom. Reste à en trouver un. Il s'agirait d'une trace, d'une marque qu'imprime, qu'a imprimé une rencontre. "Imprimé", au sens quasi typographique du terme. Celle, celui qui a laissé sa marque, ne l'a pas décidé, celle, celui qui s'est trouvé "marqué", "impressionné"(on est toujours dans la typographie, voire la photographie, et là il faudrait aller chercher du côté du révélateur, qui a révélé quelque chose qui sommeillait en nous), celui-là donc, ne s'aperçoit qu'il a été "marqué" qu'après coup. Il s'agit donc bien d'une découverte, et il n'y a pas de dette.
Si la rencontre en question se conjugue au passé, d'aucuns pourraient dire: "C'est ce qu'il en reste". Le mot est mal choisi; il ne s'agit pas d'un reste, mais de quelque chose qui demeure, y compris "en l'absence". Traces, tels le geste ou la posture, ou principe actif qui nous permet d'habiter des territoires jusqu'alors inexplorés. "Demeure", "la demeure". Contenant qui dessine un espace en creux, une case vide, demeure dans laquelle vient s'inscrire quelque chose de l'ordre, là aussi, de l'empreinte.
En fait, cadeau, offrande, don, emprunt, empreinte, tout cela se situe, se déroule dans un "entre-deux", un écart. Seul cet écart permet le lien, tout en protégeant l'inatteignable qui gît en chacun de nous. Et c'est parce qu'il y a écart qu'il peut y avoir cadeau, offrande, don, emprunt, empreinte.
Publié par
Françoise Tomeno
11 octobre 2012
DE BARCELONE À RIGA,
ON NOUS SIGNALE
ON NOUS SIGNALE
DES ÉVASIONS DE FEMMES EN SÉRIE
"Jeune fille s'évadant", Joan Mirò, Barcelone
Au marché de Riga, celle-ci croyait pouvoir le faire discrètement
Et même depuis les balcons de Barcelone.....!
Quant à ces deux-là, elles hésitent encore à faire le pas.....
Publié par
Françoise Tomeno
03 octobre 2012
11 septembre 2012
04 septembre 2012
"Poésie totale"
C'est Serge Joncour que Rebecca Manzoni rencontre ce dimanche matin, pour l'émission Eclectik [1], sur France Inter. Je connais Serge Joncour par l'émission "Des Papous dans la tête", émission que j'aime beaucoup.
Rebecca Manzoni, à un moment, passe un extrait d'une interview, par Marguerite Duras, d'un petit garçon de sept ans. Quand Marguerite Duras lui demande "à quoi ça sert, compter", François, c'est son prénom, hésite un peu, réfléchit, et a cette réponse:
"Compter.... ça sert à faire des compteurs... ça veut dire qu'on peut faire le contact..."
Serge Joncour rit, et rit encore, "Il est con.... il est trop...", dit-il, comme on le dit d'un vieil ami qui nous fait rire, et il ajoute "c'est magnifique".
Un peu après, évoquant le petit François, il a ces paroles superbes: "cette fragilité du langage, ça crée de la poésie totale".
Oui, c'est ainsi, c'est bien lorsque la langue nous fait défaut, lorsque " la langue fourche" (dieu que c'est beau comme expression, on imagine la langue se coupant en deux, comme nous sommes nous mêmes parfois, dans les grands moments, coupés en deux, voire en plus que deux...), c'est bien là que nous sommes au plus près de notre vérité; celle qui ne peut se dire qu'à demi-mot; qui ne peut dire vraiment ce qui se pense tout juste. C'est là aussi que nous sommes au plus près de notre poésie.
Cela vaut la peine, de mi-dire.....
Là est une différence avec l'écriture, qui peut faire ses choix, supprimer un lapsus, taire ses hésitations, ses silences.
[1] France Inter: « Eclectik » le dimanche, c’est le choix d’une interview en extérieur et sur la longueur, une conversation avec ses silences, ses plantages et ses fulgurances.
Publié par
Françoise Tomeno
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