Françoise Tomeno

Françoise Tomeno

16 février 2013

Les oranges du Liban

Françoise Tomeno
16 février 2013

- "Je voudrais des oranges....
Celles que vous m'avez données la dernière fois"
- "Des oranges du Maroc". La réponse du marchand ne questionne pas, elle affirme, il sait. Il sait que ce sont des oranges du Maroc qu'il lui a vendues la dernière fois.

Elle s'approche de l'étale, là où sont les oranges du Maroc. Elle se penche, couvrant de son regard les oranges convoitées.
- "Elles ont le goût des oranges de mon jardin...
...... au Liban".

Son regard est comme une main qui prend l'absence d'orange, qui va la remplacer par une autre orange qui a le goût de son pays, l'odeur de son jardin.
Une orange du pays du vendeur.

Dans cette simple phrase "elles ont le goût des oranges de mon jardin... au Liban", et dans ce regard qui se fait main, tient une vie, un départ, une émigration, un exil peut-être, la nostalgie.
Dans la réponse du marchand, il y a une autre émigration, un autre exil.

Un marchand qui n'aime rien tant que de vendre les produits de son pays, qui exprime avec discrétion sa satisfaction lorsqu'on préfère les clémentines du Maroc aux clémentines corses.

Cette courte scène du marché contient deux regards qui se portent au delà, vers là-bas, vers leurs pays. 
J'en suis le témoin muet, et touché.